Mort d’Honoré d’Urfé à Villefranche, en 1625

Mort d’Honoré d’Urfé à Villefranche, en 1625

Honoré d’Urfé, poête et homme de guerre, meurt à Villefranche le 1er juin 1625.

Issu d’une des plus vieilles familles nobles du Forez, Honoré d’Urfé voit le jour le 11 février 1568 à Marseille. Son père, Jacques Ier d’Urfé, né au château de la Bastie (Loire) en 1534, chambellan et gentilhomme de la maison du roi de France, avait épousé, le 25 mai 1554, à Compiègne, en présence de la Cour et du roi Henri II, Renée de Savoie, fille aînée et héritière de Claude de Savoie, comte de Tende et chevalier de l’ordre du roi, lieutenant général pour le roi en Provence et amiral du Levant.

Par sa mère, Renée de Savoie, Honoré d’Urfé descend des Lascaris, une très ancienne famille impériale de Byzance, qui s’illustre à partir de Théodore Lascaris qui fonde l’empire de Nicée après la prise de Constantinople par les croisés , en 1204. Le dernier empereur Lascaris, Jean IV Doukas, âgé de 8 ans, sera renversé par le régent, Michel VIII Paléologue, en 1259. Pour éloigner les sœurs de Jean Lascaris, Michel Paléologue va les marier à des princes et seigneurs étrangers. C’est ainsi qu’Eudoxie Lascaris épouse Guillaume Pierre, comte de Vintimille, gentilhomme génois, que les révolutions de l’empire d’Orient avaient attiré à Constantinople, et qui appartenait à la branche aînée d’une ancienne famille, issue, dit-on, du marquis d’Ivrée, roi d’Italie.

De leur mariage était issu Jean, comte de Vintimille et de Tende, qui releva le nom et les armes de sa mère, et dont la descendance a formé plusieurs branches connues sous le nom de Lascaris-Vintimille, et dont quelques-unes se sont perpétuées jusqu’à la fin du siècle dernier. Les principales étaient :

  • Celle des comtes de Tende, éteinte dès le XVe siècle dans la maison de Savoie, par le mariage d’Anne Lascaris, comtesse de Tende et marquise de Menton, avec le prince René de Savoie. Claude de Savoie, grand-père d’Honoré d’Urfé, est le petit-fils d’Anne et de René ;
  • Celle des barons de Châteauneuf, qui a pris son surnom d’une baronnie située près de Grasse, en Provence, et dont un rameau se transplanta en Languedoc ;
  • Celle des seigneurs du Castellar et d’Apremont, qui se répandirent dans le comté de Nice, et qui ont produit le grand-maître de l’ordre de Malte, Jean-Paul Lascaris-Castellar, élu en 1636.

Par son grand-père maternel, Honoré d’Urfé est donc aussi un descendant de la maison de Savoie, laquelle était aussi présente, depuis longtemps, dans les restes de l’empire d’Orient : fille d’Amédée V, comte de Savoie (1285-1323), Anne de Savoie épousa en 1326 l’empereur Andronic III.

Pour expliquer encore les liens entre le roi de France Henri II et la maison de Savoie, il convient aussi de rappeler que Louise de Savoie, fille de Philippe II, 7e duc de Savoie, par son mariage avec Charles d’Angoulème, était la mère de François Ier et donc la grand-mère de Henri II.

Ce multiple lignage, extrêmement imbriqué, va influencer toute la vie et la carrière d’Honoré d’Urfé.

C’est en rendant visite à son frère, Honoré de Savoie, gouverneur de Provence, que Renée de Savoie donne naissance à Honoré, son onzième enfant. Il passe avec sa mère ses premières années (1572-1575) à Tende (Alpes-Maritimes). On le retrouve ensuite dans la Bastie d’Urfé (Loire), lorsque, à peine âgé de dix ans, il entreprend des études classiques au collège de Tournon.

A seize ans, le 12 janvier 1584, Honoré devient chevalier de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem (devenu ordre de Malte en 1530). Il s’engage alors dans la Ligue, opposée aux Huguenots (et donc au futur roi Henri IV), constituée par le duc de Guise, avec deux de ses frères, Anne et Jacques II d’Urfé, aux côtés de Charles-Emmanuel de Savoie, gouverneur du Lyonnais et duc de Nemours. Honoré se distingue par la prise d’Essalois, en 1590 et par celle de Villerest, en 1594.

Entre-temps, le 25 juillet 1593, Henri de Navarre abjure le protestantisme pour enfin accéder au trône de France. Anne d’Urfé rejoint le camp des « royalistes ». Henri IV le nomme lieutenant général de Forez. Pour la Ligue, le duc de Nemours donne à Honoré l’ancien commandement de son frère aîné. Anne d’Urfé donne sa démission à Henri IV. Il cherche à reprendre les responsabilités confiées à son frère. En février 1595, à Feurs, puis en septembre, à Montbrison, Honoré d’Urfé se retrouve deux fois en prison, par suite de traîtrises. C’est Diane de Chateaumorand, épouse d’Anne, qui paye la rançon d’Honoré aux "royalistes". En même temps, le duc de Nemours est arrêté par un autre forézien, l’archevêque de Lyon, Pierre d’Apinac.

Amnistié, Honoré cherche à se faire oublier et se retire dans les Etats des Ducs de Savoie, à Senail près de Virieu-le-Grand (en Bugey) où il achète une terre. Il met alors ses armes au service du Duc Charles-Emmanuel de Savoie qui l’enrôle (1597-1598) et le nomme gentilhomme de sa chambre puis chambellan ordinaire, capitaine de ses gardes et de cent chevau-légers, colonel général de sa cavalerie et infanterie françaises. Il part ainsi en guerre contre Lesdiguières en 1597.

Entre 1599 et 1600, Anne d’Urfé fait annuler son mariage avec Diane de Châteaumorand pour dol et non-consommation. Dans le même temps, Honoré d’Urfé est libéré de ses vœux monastiques dans l’Ordre de Malte. Il épouse Diane de Châteaumorand le 15 février 1600. Celle-ci est en effet le grand amour d’Honoré dont il n’a que 7 ou 8 ans quand elle devient sa belle-sœur. Et c’est probablement à son retour à la Bastie d’Urfé qu’il en tombe amoureux, alors que son mari la délaisse. Le couple vivra à Saint-Martin-d’Estreaux, à la Bastie, à Paris (1608-1610) et à Virieu-le-Grand, dans le Bugey. Mais ce mariage sera sans postérité. Vers 1613, les époux se séparent, à l’amiable.

Mais l’ancien ligueur ne peut tenir en place et reprend les armes en 1616 pour le duc de Savoie dont les alliances successives, tantôt avec l’Espagne, tantôt avec la France perturberont toute la fin de son règne et affaibliront son duché. C’est au cours d’une campagne de Charles-Emmanuel Ier contre la république de Gênes, lors de la guerre de la Valteline, qu’Honoré d’Urfé, maréchal de camp général, tombe malade. Il se fait transporter à Villefranche, où il rédige son testament le 30 mai 1625. Il meurt de pneumonie le 1er juin. Son corps sera transporté à Turin où il sera inhumé avant d’être ensuite ramené en Forez.

Honoré d’Urfé reste surtout dans l’Histoire comme sans doute l’auteur du premier grand roman-fleuve digne de ce nom de la Littérature française, L’Astrée. En effet, L’Astrée fut véritablement l’oeuvre de sa vie puisqu’il en commença la rédaction dès son adolescence à la Bastie sur les bords du Lignon, et que les deux derniers tomes ne furent publiés qu’après sa mort en 1627 et 1628. C’est même son secrétaire Baro qui rédigea, à partir de ses notes, la cinquième partie du roman qui contient au total plus de 5000 pages… La première édition générale parut en 1632-1633, puis en 1647. Et pour les lecteurs du XVIIème siècle, cela ne fait pas de doute : l’amour de Céladon pour Astrée est celui d’Honoré d’Urfé pour Diane de Châteaumorand.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Go up