Cnidaires - (Méduses)
Decouverte
De tout temps, les cnidaires, et en particulier les méduses, ont été redoutés des marins et des nageurs. Dès l’Antiquité, Aristote (384-322 Av J.C) et Pline (23-79) évoquent, sous le nom d’ « ortie de mer », l’action urticante de l’anémone de mer. Mais il faut attendre le début du XIXe siècle pour que les méduses, animaux planctoniques « gélatineux » par excellence, soient mieux connues, grâce aux travaux du naturaliste F. Péron (1775-1810) et du peintre C-A. Lesueur (1778-1846). Ils séjournent à Villefranche-sur-Mer en 1809 où ils décrivent les organismes du plancton de la baie de Villefranche en1810, et publient une liste de vingt-deux espèces de méduses. Vers le milieu du XIXe siècle, J.B. Verany (1800-1865), puis C. Vogt (1817-1895), effectuent des recherches sur les cnidaires et autres invertébrés de la mer de Nice.
Entre 1960 et 2000, les cnidaires de la baie de Villefranche sur Mer ont été étudiés par Claude et Danielle Carré à qui on doit une importante collection de photographies et de nombreuses publications. Actuellement, le groupe de Evelyn Houliston à l'Observatoire Océanologique de Villefranche étudie les mécanismes de la mise en place des axes embryonnaires chez la petite méduse Clythia à l’aide des techniques de biologie cellulaire et moléculaire.
Définition et Biologie
Les cnidaires figurent parmi les plus anciens invertébrés apparus dans les océans à l'époque précambrienne il y a environ 650 millions d'années. Excepté pour les hydres d'eau douce, tous les cnidaires sont marins.
Leur corps s'organise autour d'une symétrie radiale d'ordre quatre ou multiple de quatre, et six ou multiple de six. Les cnidaires se distinguent des autres invertébrés par la présence de cellules urticantes (cnidocytes) contenant un « poison ». Lorsque ce poison est en contact avec la peau, il provoque une intense brulure. Un contact répété peut induire des réponses allergiques sévères, voire la mort. Ce phénomène nommé anaphylaxie a été découvert en 1902 par P. Portier et C. Richet (1850-1935) qui reçurent pour cette découverte le prix Nobel en 1913.
En fonction de leurs caractéristiques anatomiques et de leur cycle de vie, les cnidaires se subdivisent en trois classes :1) les hydrozoaires dont le cycle alterne en général entre une forme bourgeonnante, asexuée, benthique, le polype, et une forme solitaire, sexuée, planctonique, la méduse (hydroméduse), 2) les scyphozoaires, presque exclusivement ou exclusivement planctoniques, et 3) les anthozoaires exclusivement benthiques et vivant sur des fonds rocheux (actinies, coraux…), rarement les fonds meubles. Les hydrozoaires et scyphozoaires possèdent dans leur cycle de vie une forme planctonique.
Chez les hydrozoaires, la méduse possède un velum, sorte de repli sous l'ombrelle qui en limite l'ouverture. On distingue six ordres d'hydroméduses en fonction de la position des gonades (sur les parois de l'estomac ou sur les canaux radiaires), de la forme de l'ombrelle (aplatie ou haute) et du mode de développement (direct ou indirect). Les méduses les plus fréquentes à Villefranche sont les anthoméduses (hautes), les leptoméduses (plates), les limnoméduses (polypes nus, régressés), les trachyméduses (l'oeuf fécondé se développe directement en méduse sans stade polype asexué).
Chez les scyphozoaires, la méduse est dépourvue de vélum. En fonction des espèces, elle peut provenir d'une prolifération asexuée d'un stade benthique ou bien être formée directement dans le plancton à partir d'un oeuf comme c'est le cas de l'espèce urticante très fréquente à Villefranche, Pelagia noctiluca.
Les méduses ont une forme de disque légèrement convexe, l’ombrelle, bordée d’extensions digitiformes contractiles, les tentacules. Elle présentent une symétrie radiale d’ordre quatre. Leur taille varie, selon les espèces, de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres.
La surface des tentacules est tapissée d’une multitude de cellules à venin, capable d'immobiliser les proies. Une fois paralysées et tuées, elles sont enlacées par les tentacules et ramenées vers l’ouverture buccale. La face ventrale concave de l’ombrelle porte en son centre un organe en forme de battant de cloche, parfois fortement découpé, le manubrium. Contrairement à la plupart des animaux pluricellulaires, les méduses ne disposent que d’un seul orifice digestif situé à l’extrémité du manubrium. L’oesophage contenu dans le manubrium débouche dans un estomac d’où partent des canaux radiaires au nombre de quatre ou un multiple de quatre. Les méduses disposent d’une musculature efficace, d’organes sensoriels et d’équilibration (ocelles, statocystes, rhopalies) leur permettant de se déplacer, de capter les signaux de l’environnement et de maintenir leur position dans l’eau. Le schéma animé ci-dessous met en évidence l'anatomie du Scyphozoaire Pelagia noctiluca.
Les siphonophores appartiennent à un ordre particulier d'hydrozoaires décrit pour la première fois par Vogt à Villefranche en 1855 dont les spécialistes sont, à Villefranche, Claude Carré et Danièle Carré, auteurs d'un chapitre dans le traité de zoologie de P.P. Grassé. Les Siphonophores sont exclusivement planctoniques et comptent, parmi les plus beaux représentants du macroplancton de Villefranche-sur-mer. Ils sont très fragiles et difficilement récoltés intacts. Les siphonophores sont composés d’unités fonctionnelles répétitives, les cormidies, réparties le long d’un axe commun, le stolon.
Chaque cormidie consiste en un ensemble « d’organes » ou polypes assurant des fonctions différentes: des polypes de protection mécanique (bractées) en forme de lamelles aplaties, de défense et de capture des proies (filament pêcheur simple ou ramifié, chargé de cnidocystes), de nutrition (gastrozoïde), d'excrétion (dactylozoïdes), de reproduction contenant les gonades mâles et femelles (gonozoïdes), de flottaison (cloche à gaz, gouttelettes huileuses) et de nage (cloches natatoires musculeuses). Ces êtres planctoniques sont souvent assimilés à des colonies flottantes dans lesquelles le stolon correspondrait au polype rampant des hydrozoaires benthiques et les cormidies, à la forme méduse. Les siphonophores se subdivisent en trois groupes, les physonectes, les calycophores et les cyctonectes.
Les physonectes possèdent un stolon creux dont l'extrémité antérieure, nommée pneumatophore, est dilatée en forme d'ampoule remplie d'un gaz émis par les cellules qui bordent sa partie basale. Percée d'un pore pouvant s'ouvrir ou se fermer, ce pneumatophore assure la flottaison de la colonie. Immédiatement sous le pneumatophore se succèdent un nombre variable de cloches natatoires fixées sur une longueur variable du stolon. Cette partie forme le nectosome. Le reste du stolon ou siphosome porte les cormidies formées par bourgeonnement.
Les calycophores sont dépourvus de flotteur et la colonie débute par une, deux ou trois cloches natatoires (Muggiaea, Chelophyes, Hippopodius). Les cormidies sont souvent libres et désignées sous le nom d'eudoxies.
Les Cystonectes sont représentés par Physalia physalis, dont le volumineux flotteur surmonte les cormidies.
Ecologie
A de rares exceptions près, les cnidaires planctoniques dérivent au gré des courants. Les déplacements individuels des méduses se réalisent grâce aux contractions rythmiques plus ou moins efficaces de l'ombrelle. En raison de leur régime alimentaire, constitué exclusivement d'invertébrés et de larves planctoniques, les méduses et les siphonophores occupent principalement les eaux superficielles riches en plancton et sont souvent groupées en larges essaims.
Pelagia noctiluca, méduse violette mesurant une dizaine de centimètres de diamètre est exclusivement planctonique et vit en pleine eau, près de la surface. Elle est redoutée des baigneurs en raison de la douloureuse action de son venin émis par les cnidocytes des tentacules. Elle pullule certaines années à Villefranche et les individus sont rejetés en grand nombre sur les côtes au printemps et au début de l'été. L'alimentation et le métabolisme de cette espèce ont été étudiés au Laboratoire de Villefranche par P. Morand, C. Carré et D.C. Biggs. Une autre méduse commune en Méditerranée est Cotylorhiza tuberculata. Elle est souvent accompagnée de petits poissons qui vivent en symbiose avec la méduse, s'abritent sous son ombrelle et dans les replis du manubrium.
Par ailleurs, un grand nombre de méduses appartenant à diverses espèces d'hydrozoaires benthiques sont présentes dans le plancton de Villefranche, au printemps et à l'automne, périodes durant lesquelles les conditions écologiques sont favorables à leur prolifération.
Les cnidaires planctoniques de Villefranche sont répertoriés dans l'ouvrage de Trégouboff et Rose intitulé Manuel de planctonologie méditerranéenne.
Références bibliographiques :
- Péron F. et Lesueur, C. A. 1810. Tableau des caractères génériques et spécifiques de toutes les espèces de méduses connues jusqu’à ce jour. Annales du muséum d’histoire naturelle, t.14, p. 325-366.
- Verany, J.B. 1846. Catalogo delgi animali invertebrati marini del Golfo di Genova e Nizza. 30 p, 3 planches. Genoa.
- Vogt, C. 1852-1853. Recherches sur les Siphonophores de la mer de Nice.
- Vogt, C. 1868. Recherches sur les animaux inférieurs de la Méditerranée
- Haeckel, H. 1879. Das System der Medusen. Erster Theil einer Monogarphie der Medusen mit einem Atlas von vierzig Tafeln. Erster Band. Denkschriften der Medicinisch-Naturwissenschaftlichen Gesellschaft zu Iena. 672 p
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Portier P, & Richet, C. 1902. De l'action anaphylactique de certains venins. Compte rendu de la Société de Biologie, 54, 170-172. - Tregouboff, G. et Rose, M. 1957. Manuel de planctonologie méditerranéenne. T. I et II. 207 planches, 7-582.CNRS (Ed.), Paris.
- Goy. J. 1995. Les méduses de François Péron et Charles-Alexandre Lesueur. Edition du CTHS. 9-392.
- Morand, P., Carré, C. et Biggs, D.C. 1987. Feeding and metabolism of the jellyfish Pelagia noctiluca (Scyphomedusae, Semaeostomae). Journal of Plankton Research, 9. 651-665.
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